MONPTELLIER – LIMOGES : SUMMER MASSIF TRIP

En partant en vélo de Montpellier à Limoges, on avait quelques noms de patelins en tête,  et la certitude qu’on allait devoir mouliner sévère. C’est vrai que la corniche des Cévennes, les gorges de l’Allier et le plomb du Cantal, ça sentait à la fois les petits points de vue calés, le fromage aligoté mais aussi quelques bonnes montées. La carte ne laissait d’ailleurs pas planer le doute très longtemps : certes, beaucoup de petits traits blancs surlignés de vert, signes annonciateurs de routes peu fréquentées et superbes, mais également masse de méandres et contorsions, ce qui donnait à penser que l’endroit n’était pas rigoureusement plat. On a rien sans rien vous allez me dire. Et à vélo comme en amour, il faut cravacher longtemps avant d’en tirer quelques plaisirs.

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Mais au-delà de ces lieux  qu’on peut retrouver et délimiter relativement précisément sur notre bonne vieille carte Michelin, je crois bien qu’on allait chercher quelque chose de plus. Un quelque chose qu’on essaye désormais de trouver à chaque fois qu’on part à vélo un peu longtemps, mais qu’on a encore du mal à définir.

Ça peut prendre la forme d’une petite vallée encaissée qui croque un village endormi, posé là, hors du temps et de l’ennui. Ou alors, cette forêt à la tombée du jour où la rangée de hêtres laisse passer une merveilleuse lumière. Ou encore, cette rivière descendue de rapides en rapides, et tellement sauvage dans son état, qu’on se croirait ailleurs, loin, peut-être au Canada.

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On sentait bien qu’ils avaient quelque chose de commun tous ces lieux. On a voulu leur donner un nom. On s’est rassemblé, on a bu, on a chanté, on a bu encore et tout un coup le Bam s’est levé, solennel, a montré quelque chose au loin que lui seul semblait voir, et d’une voix blanche, a prononcé l’expression de “Pays perdu”. En anglish, the Lost World. Ce vocable était tellement stylé que Arthur Conan Doyle nous l’a piqué pour écrire son roman éponyme, avant que cette crapule de Steven Spielberg lui pique à son tour et ressuscite du même coup le T-Rex au cinoche. Complètement dingue.

En le nommant ainsi, on l’intègre maladroitement à notre vocabulaire mais on perd forcément un petit quelque chose au passage. Alors quand ce pays perdu provoque en nous un trop plein d’émotions, en parler ne suffit plus : on s’autorise comme au bon vieux temps à se regarder du coin de l’oeil et à sourire bêtement ; et à gueuler très fort au loup quand ça descend.

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La trace :

 

Plus prosaïquement, on est parti de Montpellier un certain vendredi 9 août. Cette année on avait prévu de réaliser un trip Gravel pour se rapprocher encore plus du Pays Perdu. Le Gravel est un autre concept également très puissant et essentiel. Il s’agit à la fois d’un type de chemin, d’un certain type de vélo et surtout et avant tout d’un état d’esprit. Le cycliste Gravel est ainsi sans cesse en quête, et semble taraudé par la même et éternelle question : est-ce Gravel ou pas ?

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Par exemple, un vélo type cyclocross: c’est pas Gravel. Mais le vélo qui ressemble vachement à un vélo de cyclocross mais c’est quand même un concept complètement différent et révolutionnaire : c’est Gravel.

La route bitumée : évidemment pas Gravel. Le petit chemin paumé dans la forêt qui se transforme en single track (sentier en langue Gravel) : Gravel. Mais attention, piège : ce qu’on croyait être un single track sympatoche et qui s’est révélé être une succession de fat marches de pierre nous obligeant à porter notre fat vélo avec fat sacoches sur le dos pendant 4 kilomètres : c’est pas Gravel ! C’est un fucking chemin de Grande Randonnée, YA DES SIGNES BLANCS ET ROUGES PARTOUT DUCON !!

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Vous l’aurez compris, on avait moyennement préparé notre premier trip Gravel et on s’est vite retrouvé à se poser la question de savoir si on était fait pour ça. C’est quand Louis, arrivé en haut d’une montée interminable, après avoir poussé son vélo tout du long, en a été réduit à vider sa salière pour gagner quelques précieux grammes de poids qu’on s’est dit qu’on était peut-être allé un peu trop loin et que notre trip n’avait plus grand chose d’humain puisqu’il obligeait un homme qui adore par dessus tout saler ses plats, à se séparer de ce qui faisait le sel de sa vie.

Et je ne sais pas s’il vous l’a dit, mais Louis a voyagé aux Etats-Unis à vélo, et clairement, c’est pas le genre de mec à se séparer de son sel comme ça.   

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Ca a sonné comme la sonnette d’alarme, le signal de détresse. A l’unanimité, on a alors décidé d’échanger le GR pour des petites routes bitumées, certes non Gravel, mais de temps en temps, en roulant sur le bas côté, on arrivait à faire crisser quelques graviers. Après le traumatisme du chemin de Saint-Guilhem-le-Désert, on a redescendu la Buèges, dans laquelle on s’est baigné, on est passé par Ganges, puis une très belle piste cyclable sur une ancienne voie de chemin de fer – #tmtc que ce sont les meilleures – Sumène et nuit à Saint Martial en camping sauvage. Le lendemain, on a continué vers Les Plantiers, la corniche des Cévennes, Florac et son camping spartiate.

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C’est le lendemain soir, après une belle journée et une très belle portion Gravel avant Villefort, qu’on a rejoint Inès et Bam à Chapeauroux. Ce couple charmant voyageait depuis 10 jours sur un beau tandem.

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Petite originalité de ce Massif Trip 2018, la descente de l’Allier entre Chapeauroux et Pont d’Alleyras en kayak. Et beh franchement, c’est assez jouissif. Un Pays Perdu comme on les aime. 20 kms de descente sans trop pagayer avec des rapides marrants et surtout un environnement exceptionnel : des forêts et gorges qui s’enchaînent pendant des heures et des heures sans le moindre signe de civilisation. Seul bémol, le froid qui nous saisit au moment de casser la croûte. Si on avait écouté un peu plus le Charlox, on aurait pris des vêtements Merinos pour nous tenir bien au chaud sans pour autant dégager une odeur trop désagréable, même après 3 jours. Incroyable.

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Heureusement, et à défaut de Mérinos, nos âmes d’enfant trouvent rapidement de quoi se réchauffer avec une bataille d’eau qui n’en finit plus, au plus grand bonheur de – presque – tous. Le soir on campe sauvagement non loin du petit village de Blesle après une très belle étape d’approche en partant d’Arvant.

Le lendemain nous réserve également une sacrée bonne tranche de Pays perdu. D’abord, une bien belle montée vers le plateau du Massif central avec le puy de Sancy au loin et les vaches tout près. La redescente vers Condat puis Bort Les Orgues dans une ambiance très particulière, ou l’on en finit pas de s’émerveiller par le charme discret de cette vallée touffue. Tout ça c’est bien beau mais sans aligot, ça ne vaut rien. On finit par en dénicher à Bort les Orgues, au plus grand plaisir d’une personne que nous nommerons pas ici, qui en rêvait depuis longtemps. On se pieute dans un camping de l’autre côté de la Dordogne après une montée complètement folle, ou l’on suivait dans la nuit un Iron Dad et sa U Boom beuglant, ”L’Alcool c’est de l’eau”, autre miracle, celui-ci à rebours du Christ lors des noces de Canaa.

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On était en Corrèze, département dont on ne savait pas quoi espérer et qui nous a finalement bien plu avec ses forêts vallonées et bucoliques, ses champs ou l’on cultive la tourbe et la tique, bien sur ses illustres présidents de la république, et quelques clips sympathiques comme celui-ci :

“Comment puis-je oublier
Ce coin de paradis ?
Ce petit bout de terre
Où vit encore mon père
Comment pourrais-je faire
pour me séparer d’elle ?
Oublier qu’on est frères
Belle Corrèze charnelle”

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 On quitte le couple au tandem à grand regret à Meymac avant un dernier camping sauvage en surplomb du chemin des Hêtres, spotté par le Fat Charlox, qui a l’oeil. Vendredi 17 le dernier jour, on pédale une demi-journée jusqu’à Eymoutiers, ou l’on engouffre en 9 minutes chrono une bavette d’aloyau avant l’arrivée du TER pour Limoges. Ca nous est un peu resté sur l’estomac mais c’était rudement bon !

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Prendre le train à vélo, c’est toujours épique. Cette fois ça se passe plutôt bien. Pour nous faire la conversation, un gars qui n’a plus toute sa raison et, après un long silence me regarde fixement, et crie d’une voix forte d’un autre temps : “Babylone la prostituée”. Je n’ai pas su trouver la réplique.

On arrive finalement sans encombre à Limoges ou nous attend la fat Merco qui nous emmènera jusqu’à Niort. End of the Trip !     

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