Ljubljana – Budva : Balkans, partie 1

Dimanche 10 avril, direction Zagreb…

Je pars vers midi et décide de rouler sur l’ancienne route qui est moins fréquentée depuis que l’autoroute a été construite. Andrej m’accompagne sur 20km. Nous nous arrêtons dans une boulangerie, et je goute au burek. De la pate feuilletée, en grande quantité, avec du fromage et parfois des épinards ou de la viande, en moins grande quantité. Mais pour des prix scandaleusement bas! Je comprends vite que la boulangerie est ici, peut être même plus qu’en France, mon amie. Je me bourre avec ce burek, et enfile aussi un hot dog et un dessert, qui se révèle assez pauvre en chocolat, mais qui tient au corps. Nous prenons un café en terrasse, et c’est le moment de se dire au revoir. Merci Andrej! Quelle belle aventure à Ljubljana grâce à lui. En écrivant ces lignes, des semaines plus tard, je sens encore le bon sentiment que cette ville m’a laissé et je me dit que nous nous reverrons un jour.

Une nature slovène des plus généreuses

Une nature slovène des plus généreuses

je roule vers le sud est, et m’arrête à Novo Mesto. Nul besoin de dire que les paysages me régalent encore. J’arrive un peu tard à Novo Mesto, et ne sais pas trop quoi faire. je ne me sens pas tellement capable de faire du camping sauvage comme ça, surtout en arrivant de nuit. Je finis par demander à une pizzeria si je peux planter sur leur parking, il y a un petit coin d’herbe. Et je mange chez eux, une grosse pizza, et bois une grosse bière. Je me dis qu’il faut que je baisse ma conso de bières…et lorsque je vais me coucher, quelques dudes attablés me demandent d’ou je viens, ce que je fais etc. et m’invite à m’assoir à leur table. Il me payent une première bière. Je me souviens surtout du nom du mec à ma droite. Dejan. très sympa, mais je me rend compte rapidement qu’il est aussi très bourré. De plus en plus car il boit sa bière comme on prendrai un verre d’eau et en recommande une directement ensuite. « I’m a nice guy, but I like to drink ». Clairvoyant le dude. Il est en train d’écrire son mémoire, et je me demande comment d’ailleurs. il a fait des études de « justice criminelle et … ? », bref, lui même ca le fait marrer ce nom pompeux. En parallèle il bosse dans une imprimerie. Il me propose de pioncer chez lui, et au début j’accepte, le gars a l’air honnête et normal. Il a mon age. lorsque je me rend compte qu’il n’habite pas juste à coté et qu’il est sensé conduire…bref, je décide finalement de monter ma tente. Le gars en face de moi est plutot sympa, mais, je sais pas, quelque chose est un peu différent. ils font parfois des blagues en slovène, et il me dit toujours, « just joking maaan », « don’t worry maaan ». il sort des expressions à l’américaine, avec toujours un « maaan » a la fin, c’est marrant. il a surement copié son parler sur des rappeurs américains. Ils connaissent pas mal les équipes de foot francaises. Je pense que ce sont juste des gars qui ne font pas grand chose de leur vie, et je me dis qu’il n’y a surement pas énormément de choses à faire ici dans tous les cas. Le restau est fermé au public, c’est dimanche soir, et il ne reste que nous, les serveuses, qu’ils semblent connaitre, ou en tout cas apprécier, et ce que je pense être le patron, un gars relativement jeune. L’ambiance est assez bizarre. ils me payent une 2e bière sans me demander. Je le sens pas vraiment. je discute avec le gars en face. Il me demande si j’ai des frères et soeur. Il veut voir des photos de ma soeur…Bon, je lui explique que c’est pas un truc à demander. Il le redemande quand même. Je sens le gars un peu borderline, un peu gras, notamment quand il m’avait parlé des fesses de la serveuse…je sens une petite montée d’enervement intérieur. Bon, Dejan s’est mis à dormir sur la table…Je sens qu’il faudrait que je me casse, mais c’est pas évident de faire le premier pas, surtout que je dors sur le parking…Au final, nous partons tous en même temps, et l’histoire se termine ici. Ils étaient marrant ou bizarres ces gars, à ne pas trop savoir quoi faire avec leur vie, c’était un peu destabilisant pour moi, et je ne savais pas vraiment quoi dire, ou quoi faire. Le plus intéressant aurait peut être été Dejan, mais vu sa descente…En tout cas cette expérience m’a ouvert les yeux, et je me dit qu’il ne faut pas me laisser imposer des choses, comme cette seconde bière par exemple. C’est important que je décide moi même du moment où partir.
bref, je monte ma tente, et m’endort avec le bruit des camions qui passent sur l’échangeur pas loin…

Lundi 11 avril

Camping "Le Parking"

Camping « Le Parking »

Aujourd’hui ça sera Zagreb. Vedran a répondu à ma demande d’accueil via warmshowers. Je dormirai donc chez lui ce soir. Bonne nouvelle. Il fait super beau, le ciel est intensément bleu. Je passe à côté d’un joli chateau, les cerisiers sont en fleur, c’est splendide. Ce coin donne envie de s’arrêter et de lire au soleil toute la journée. Mais malheureusement ce n’est que le début de journée. Triste condition du cycliste voyageur, qui, malgré les tentations, ne veut prendre une petite heure d’inaction…Cela étant dit, je poursuis ma route. La forêt est belle, le vert est intense, on sent le printemps qui bouillonne.

Je suis une vallée, le long d’une rivière. Le relief s’aplatit au fur et a mesure que je me rapproche de Zagreb. Le pic nic près de la rivière est tout simplement magique, et porté par le doux bruit de l’eau, je me lance dans une petite sieste.

Une sieste réussie

Une sieste réussie

Je continue jusqu’à Zagreb, tranquillement. Puis voila le moment de rentrer dans Zagreb, et là, je perds la notion de tranquillité. C’est la galère, et je dois charger comme une brute au milieu du trafic. Je roule sur des 3 voies à plus de 30km/h, je dois éviter les trous, généralement des évacuations d’eau qui cherchent à m’engloutir, les bus klaxonnent, me doublent…Zagreb n’est pas la capitale du vélo dans les balkans. Ca serait même l’inverse. Alors que je rentre dans le centre ville, je me rend rapidement compte qu’il n’y a presqu’aucune piste vélo, et que celles qui existent ne sont que quelques coups de pinceaux à droite à gauche sans cohérence. Et je me rends compte que les cyclistes roulent simplement sur le trottoir et slalom entre les piétons. Pourquoi pas…Vedran me dit que c’est interdit d’ailleurs de rouler sur le trottoir, et que parfois ils mettent des amendes. Mais en comparaison de la route, le choix est vite fait. Au coeur de la ville, un cycliste m’interpelle et vient me voir. Il s’appelle Mladen, a la cinquantaine, et est un passionné de vélo. Il a un gros palmarès le mec! Zagreb-Pekin pour les JO 2008, Zagreb-Sotchi pour les JO d’hiver 20.., Zagreb-Londres pour les JO 2012…il a plus d’une vingtaine de vélos chez lui. Couché, tandem, cargo…il est aussi passé à la télévision croate. Il a créé une asso de vélo et fais des trips avec les adhérents. Heureuse rencontre! Comme j’ai un peu de temps, il m’amène dans un bar au centre, et me paye une bière. Un de ses amis est de la partie. Plus vieux, il est spécialiste du developpement de photo noir et blanc dans un laboratoire photo. Un des rares de zagreb probablement. Il parle moins bien anglais, alors Mladen lui traduit quelques passages. Nous parlons vélo, matériel, voyages…et il me donne quelques conseils pour la suite dans les balkans. Je dois reprendre la route pour quelques kilomètres, j’ai rendez vous avec Vedran qui habite plus à l’est. Encore une fois, je dois rouler sur les petits trottoirs de la 4 voie, voire faire du VTT dans des fossés…j’arrive à bon port, et j’attends mon hôte qui arrive accompagné de son chien, simba! Un adorable chien noir et blanc, très, très calme, qui aime aller se promener autour de l’immeuble, le soir et le matin, quand son maitre le sort, et renifler tout un tas de trucs, avant de marquer adroitement son territoire d’un petit jet de pisse tous les 30 mètres. il doit y avoir une réelle géopolitique des chiens dans le quartier, et je sens qu’un jet mal placé pourrait potentiellement déclencher un affrontement impitoyable entre les canins locaux.
Vedran est un gars vraiment sympa, dans les 35 ans, relax. il arrive avec son ex copine, et prépare à manger. Je n’ai qu’à poser mes affaires, prendre ma douche et boire de la bière en caressant le chien. Je ne me plains pas. Son amie revient de quelques mois en inde, ca avait l’air très cool. Ce n’est pas la première fois qu’on me parle de l’Inde, et je verrais rapidement que ce ne sera pas la dernière fois non plus! Ce pays semble magnetiser plus d’une âme voyageuse dans le monde. Vedran nous a fait comme des lasagnes végétariennes. C’est très bon et il m’encourage à me servir comme j’en ai envie. C’est à dire que j’en ai très envie, donc je finis par manger un bon gros paquet de ce délicieux repas, sans même culpabiliser. Son amie part, et nous nous retrouvons tous les 2 à discuter de votyage, de vélo dans la ville…il me raconte quelques anecdotes sur le maire de la ville, du type mafieux, qui n’a jamais voulu rien faire pour le vélo, sauf lorsque le premier ministre danois est venu visiter la ville et qu’il a « construit » en une nuit, une piste cyclable qui traverse la ville. Pour la petite histoire, il a fallu scier en vitesse la nuit précédent la visite des poteaux en fer qui étaient scandaleusement situés pile sur cette nouvelle piste cyclable. Cette même piste a disparu le lendemain de la visite…haha, j’ai vu la photo du poteau, ca s’est rapidement répandu sur twitter avant qu’ils ne corrigent cette bourde. il me dit aussi qu’une nouvelle loi est passé au gouvernement, qui oblige les villes à créer des pistes cyclables. Pas de panique, il se trouve que le maire a un cousin qui faire justement ce genre de trucs, donc la situation devrait s’améliorer pour les cyclistes de Zagreb!! Vedran court beaucoup, et fait des semi marathons, voire des longues distances, comme 50km. son chien le suit toujours!

On ne rate pas l'occasion de s'en jeter un petit derrière la cravate

On ne rate pas l’occasion de s’en jeter un petit derrière la cravate

Et voila que je me couche dans un bon lit. Ah, béni soit warmshowers!
Vedran me propose de rester une nuit de plus, et je décide de le faire. j’ai envie de visiter un peu Zagreb, de faire une lessive, et de chiller. Ce que je fais avec succès ce jour même. Je sors même le chien vers 14h, en laisse bien entendu, j’ai pas envie de me faire entrainer dans des endroits improbables. Il fait super beau et chaud. Je prends ensuite mon vélo et pars explorer le centre. Le centre n’est pas bien grand, et je pédale tranquillement. Soudain, j’entends qu’on appelle mon nom. Je me retourne, ça provient du même bar qu’hier, où j’avais pris des bières avec Mladen. Et voila qu’il est à nouveau assis en terrasse, avec le même ami qu’hier et sa fille de 14 ans. Allez, cette fois c’est mon tour de payer ma tournée! Leur bière ambrée, en plus d’être tellement peu chère, est bien bonne. On rediscute de mon itinéraire, il me donne des noms précis de ville à voir en Bosnie, on regarde un peu son site internet. Son prochain voyage sera en juin, pour l’euro de foot. Il va venir en France avec quelques amis en van, puis faire du vélo entre les villes où joue l’équipe croate. L’idée est de se mettre bien, et de boire de la bonne bière avec des bons potes. Ce gars est assez marrant. Plutôt d’une nature dirigiste, on sent que c’est lui le patron, et je n’ai pas le loisir de placer autant de mots que j’aurai pu le faire, mais très sympa, et entreprenant! Une belle rencontre.

Belle discussion autour d'une bonne bière

Belle discussion autour d’une bonne bière

Je poursuis ma visite de Zagreb et me pose dans un café pour écrire mes aventures. Vedran me donne rendez vous dans un café pas loin, avec des amis à lui. Dans quelques jours ils vont faire une course en bateau à voile sur la côté croate. Ils l’avaient fait l’année dernière avec un autre ami, qui était un peu trop intense à leur goût. Vedran me dit qu’en effet, son but premier n’est pas de gagner mais de passer un bon moment avec ses potes, et accessoirement de boire un bon coup. Ca me fait rire, et j’imagine que ça doit être sympa!
je tombe dans un traquenard. J’avais prévu de pédaler 100km le lendemain et de me coucher tôt car cette dernière semaine n’a pas été de tout repos. Les litres de bière se sont enchainés autant que les kilomètres. 1€50 la pinte de blonde, de rousse, d’ambrée…je poste la question : « Dites moi, dites moi, mais qui résisterait à quelque chose comme ça? » Je vois, et ça me rassure, qu’il y a peu de mains levées dans la salle. Donc je disais que cette épisode pourrait s’appeler : traquenard au bar.

Je me prend un première pinte, tranquillou. Mais a peine ai-je bu la moitié qu’une nouvelle vient m’attendre. Un des gars a en effet payé sa tournée. Ok, je me lance dans la 2e en discutant avec Goran, le mec à ma droite, pote de Vedran. Un dude qui a la 40aine, mais qui se voit comme un gamin. Il est divorcé, a une relation, que je comprends occasionnelle, écoute du rock/métal, et n’a pas peur de sortir des propos grasseux. Il me fait rire, et je vois qu’en effet, c’est un gosse. J’étais donc en train de finir ma 2e pinte, lorsqu’il paye sa tournée et me revoila a la case départ avec 2 verres à la main. Enfin, ayant tous payé leur tournée, je me dois de faire de même…

Discussion décousue autour de bières moussues

Discussion décousue autour de bières moussues

Nous quittons donc le bar avec 4 pintes dans le bide, et un misérable sandwich qui n’épongerai même pas un galopin. Mais c’est plutot léger comme breuvage, et j’ai de l’entrainement donc c’est tranquille. Je m’imagine déjà rentrer tranquillou a l’appart car il est minuit passé. Mais Goran a un autre plan, et Vedran est enclin à le suivre, alors je suis moi aussi le mouvement et je me retrouve dans un bar plutot alternatif, reggae/dub a fond, rastafaride for life, avec plein de monde qui roule tranquille son oinj dans les coins, et Goran qui me paye des bières en continu. Je ne suis pas consommateur mais cette odeur de marie jeanne grillée est douce au nez, et la musique est bonne, alors je danse un peu, sans atteindre le niveau de mon nouveau pote qui s’agite dans tous les sens, enlève son tshirt, le remet…j’observe mon hôte du coin de l’oeil, et malheureusement, lui aussi est à fond, et flirte avec une fille, je me dis que je suis pas sorti de l’auberge…et j’en sors finalement qu’à 3 heures du mat, plutot soulagé de rentrer enfin à la maison! La nouvelle amie de Vedran nous accompagne, elle est plutot sympa, style hippie, très détendue. Et enfin, je m’écrase sur le sofa! Damned, voila encore une grosse soirée, pas des plus reposantes…

Mercredi 13 avril

C’est avec le corps un peu lourd que je me reveille. Quelques heures de sommeil bien méritée, mais trop courtes. M’enfin, je vais partir aujourd’hui! Et je devrais arriver pas loin de la frontière bosniaque. C’est le plan. Pas évident de quitter l’appart, comme souvent, mais une fois que c’est fait, c’est parti. Je trouve une route moins fréquentée, et je finis par passer la journée à suivre la rivière qui se nomme: sava. Un nom prémonitoire car, effectivement sava plutot bien aujourd’hui, et cela même si je suis un peu fatigué en arrivant à Čigoč après 95km. Gros soleil, peu de trafic tout le long, plat…

Le marketing pour les nuls Vol 1

Le marketing pour les nuls, chapitre 1 : attirer le consommateur

Čigoč est un tout petit village, qui fait partie d’une zone protégée. On y protège les cigognes. Hasard des mots? Complot? je ne crois pas, non. Nous serions dans le berceau du mot cigogne. Là où tout à commencé et tout finira. Cette pensée me fait méditer et je m’imagine plutôt bien en roi des cigognes. Charlox, roi des cigognox. ca sonnox plutox bienox. J’éviterai la rime en botox. Je me pose dans un petit campingox, en mode poséox. J’arrête avec ox là.
Y a moi, et un couple d’allemand. Nous sommes donc 3 clients. J’oubliais les milliers de moustiques qui font la fiesta vers 19h30. Mais ils finissent par se coucher pas longtemps après. Je suis à la cool, petit repas froid, petit appel avec Sandra, j’écris un peu. J’aime ce genre de soir. Être dans un camping coûte, certes, plus cher que dormir en camping sauvage, mais il y a ce confort de ne se soucier de rien, de laisser ses affaires, d’avoir une douche, des tables, parfois du wifi…c’est un confort, on ne peut pas l’nier, passe moi les coeurs de palmiers. François pérusse, right here.

Lonely Camping Vol 1

Lonely Camping Vol 1

Je prévois d’aller jusqu’a Banja Luka le lendemain. 130km, tranquille. Le reveil est dans les temps. Le petit déj est plus ou moins dans les temps. La réparation du cable de lumière avant, détaché depuis 1 semaine au moins, me met dedans, et je finis par partir à plus de 11h pour mes 130km. Autant dire que je me met un peu de pression, pas non plus la folie, mais je pousse. Et après 10km, le ciel, si clément ce matin, s’assombrit dangereusement…Que va faire notre héro? Va-t-il rebrousser chemin dès que le risque de prendre un petit éclair apparait? Va-t-il courageusement foncer au travers de la tempête qui s’annonce? La suite à la phrase suivante.
En gros, ça pleuviote puis ça se transforme en orage. En orage assez proche. Je me souviens de ce moment avec Barth en Bulgarie. En fin de journée on voit soudain se lever des nuages pas très catholiques, ce qui est normal ici, mais pas non plus bien orthodoxes, ce qui nous pose problème. C’était arrivé bien vite et on voyait la pluie a 1 kilomètre. On s’était réfugié chez un dude super sympa qui nous avait servi a manger, accompagné de jus de cerise, selon Barth « Le meilleur jus que j’ai jamais bu. » Le bougre avait raison c’était divin, mais là, moi je suis en Croatie, et tout seul. Je décide finalement de rentrer dans un jardin et d’appeler les occupants de cette maison. Après quelques minutes, ils sortent et me disent de mettre mon vélo à l’abri sous le auvent. Puis ils m’invitent à rentrer chez eux. Quelle belle rencontre! Josip et Mare. Ils sont à la retraite, enfin j’imagine. Bon, une retraite croate probablement, c’est à dire, pas très fournie en argent. Il a un tracteur que je vois sous le auvent. Ils ne parlent pas un mot d’anglais, ni d’allemand, ni de suédois, et ni de français. Mais Josip, le mari, arrive quand même à comprendre certains trucs. Et à m’en faire comprendre d’autres. Ils me servent un grand verre de coca local. Puis j’ai le droit à un café. Dehors, ça se déchaine. Je suis bien ici. La télé est posée dans un coin et il y a une emission américaine qui passe, avec des sous titres en croate. Moi je comprends la langue, et eux comprennent le texte. Mais heureusement elle est loin cette télé, et je ne l’entend pas beaucoup. Alors je ne suis pas absorbée par ce trou noir dégénéré. Ils ont des enfants qui ne vivent pas très loin. Si je comprends bien ils les voient régulièrement. Mare, la femme donc, a du mal à comprendre que je parte si loin de la famille. Elle m’explique dans un croate incompréhensible, mais avec des gestes très explicites, que les enfants, ils restent près du coeur. Je les rassure en disant que j’appelle tout de même ma mère…presque régulièrement (comment ça maman, on s’appelle pas une fois par semaine? Mince, le temps passe vite!). Pas évident de discuter alors je leur montre des photos. Gros big up à ma sista loulou qui m’a fait un petit imagier de la famille Thiolon avant de partir, au format d’une carte d’identité francaise, c’est à dire un format improbable pour nos voisins européens (petite note de l’auteur). Les photos sont bien choisies. ils peuvent donc voir à quoi ressemble la familia, et ça me permet de tenir de longues minutes sans trop de silence. Mais à vrai dire le silence n’est pas si pesant. C’est comme ça, je suis là, ils sont là, l’orage est dehors. Puis je finis mon verre de cola. Et donc, on m’en ressert. Aie, c’était pas vraiment mon intention. Je vais faire durer le prochain. La maison est très simple. Une maison comme on en voit beaucoup. Simple à l’exterieur, très simple à l’interieur. Un poele ou 2, pour chauffer, pour cuisiner, pour faire le café. Et puis des canapés hors d’age, une cuisine, une table. Je ne sais pas s’ils ont besoin de plus ou pas. Probablement besoin de plus d’argent, comme disait La fouine « Le fric, plus t’en a, plus t’as d’problèmes, plus t’en as Plus t’en veux, moins t’en as, plus on t’aime » et il disait aussi « le manque d’argent, nous fait faire des choses dont on a pas conscience ». Voila un philosophe comme il nous manque dans la société actuelle. Clair, concis, les mots placés pile sur les idées. Je passe un bon moment ici. Mon histoire les fait à moitié rire, ils doivent penser que quelque chose ne va pas chez moi pour partir comme ça. Et si c’était le cas? Est-ce que c’est parce que c’est pas bien la où on est qu’on devient voyageur au long cours? Mon monde ne me suffit pas, mais le monde me suffit. Déso James, I disagree. Non je dirais que je pars parce que j’ai la chance de pouvoir le faire, et que je sais que ce genre de voyage te fait grandir bien plus que de lire le voyage des autres, même si j’ai trouvé ça super cool aussi (et à ce propos, si vous n’avez pas lu « On a roulé sur la terre » de Poussin et Tesson, pas la peine de vous dire quoi faire, et je rajouterai également « le bonheur au bout du guidon » de Christophe Cousin, sans oublier tous les autres. Mais pas de soucis, je vais vous faire une liste). C’est un défi personnel, une conquête aussi bien qu’un apprentissage de la liberté.

« Qu’on se le dise, qu’on se le dise! je ne suis pas en vacances, je prends mon temps, pour rentrer dans la danse, je prends mon temps, pour eveiller ma conscience, Je suis en quête d’infini, j’enquête sur la vie, je regarde et j’apprends, socrate jamais ne ment. »

Vous apprécierez les rimes riches.

Après, je pense aussi qu’il y a des voyages différents pour chacun. Des voyages sédentaires pour le corps, et nomades pour l’esprit. Ces voyages peuvent aussi être très positifs. Moi j’ai envie de partir et de me mettre à l’épreuve comme ça. Il semble que je ne sois pas le seul ces derniers temps. J’ai des amis sur les routes, d’autres dans le doute. C’était encore pour la rime, même si c’est vrai. M’enfin, on peut être sur la route et dans le doute aussi. Voila pour le petit passage.

Josip et Mare

Josip et Mare

La pluie se calme, je vais pouvoir partir. Moi qui voulais tracer aujourd’hui, je suis parti a 11h et viens de passer 1 heure à attendre que l’orage se calme. Mais à vrai dire je n’y pense pas trop. Juste un peu. Et puis je sais bien que ces moments là, être accueilli chez des gens comme ça, au hasard de la route, sans savoir qui ils sont, sans se comprendre entièrement, mais juste assez, ce sont des moments rares, et précieux. Mais maintenant je suis sur la route, et je dois tracer. A peine le temps de me faire un sandwich avant la frontière, vider mes derniers kuna en achetant une plaquette de chocolat gigantesque, mais en promo, et je passe en Bosnie.

Petite maison locale

Petite maison locale

Ma première cigogne

Ma première cigogne

il me reste dans les 85km à faire et il est 15h. Heureusement aujourd’hui c’est complètement plat! plat plat plat. Je roule et je roule. C’est marrant d’arriver en Bosnie. C’est un des pays auxquels je pensais le plus en préparant mon trip. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Rien de fou à première vue. C’est plat. Plat plat plat. J’ai le vent qui me pousse bien. A vrai dire, je n’ai pas grand chose à dire sur tout le trajet jusqu’à Banja Luka. Ouf, penseront certains. Cette reflexion sarcastique ne me coupera pas le sifflet. Je ne m’arrête quasiment pas, à part pour me gaver de chocolat, et j’en profite pour discuter un brin avec un dude qui passe. C’est sympa. Grosse route, je ne m’amuse pas particulièrement, et pour éviter de regarder les kilomètres défiler, je cache le compteur. Les 20km avant Banja Luka sont encore moins marrant, le trafic augmente, et la pluie tombe sévèrement. La route évidemment se remplit d’eau. La nuit tombe. Je me retrouve à zigzager entre les flaques. Je ne peux pas savoir s’il y a 2 cm d’eau ou si c’est carrément un trou. si vous voulez savoir à quoi je pense exactement, voila de quoi vous donner une image plus précise :

Je finis tout de même par arriver. J’essaye d’appeler Damir, mais il m’envoie un texto en me disant qu’on est plus en UE et que le roaming doit couter cher. Ah ouai, c’est vrai, j’avais oublié. Ici c’est 10€ le Mo. J’ai éteint mon téléphone 500m après la frontière, déjà trop tard. Google maps s’était mis à jour avec ma position. 400ko, 4€. Tranquille. Donc ouai, j’oublie les appels téléphoniques. On se retrouve et on monte dans son appart. Toutes mes affaires sont trempées, mais il est à la cool, il me dit de faire comme chez moi. Qu’est-ce que je veux d’ailleurs? Un smoothie banane kiwi? Une bière? Du fromage, du pain, du jus d’orange? j’aurai tout ça! Damir vit seul dans un bel appartment. Un grand salon, une cuisine à l’américain, et une chambre. Il travaille dans les systèmes d’information, dans l’informatique pour ceux qui ne verraient pas trop. Non, ce n’est pas un agent des renseignements bosniaques. La mi trentaine. On discute pas mal. Il a beaucoup voyagé pour le boulot. Il a travaillé entre autres pour des sociétés de logistique américaines, aux Etats-Unis, mais aussi en Afghanistan pendant quelques années (pas à 100% du temps, hein, en faisant des allers-retours au pays). Il pourrait avoir la green card, mais ne l’a pas demandé encore. Il m’a dit que les gars pouvaient commander des armes sur Amazon et se les faire livrer. Drôle non? L’été dernier il a fait un périple jusqu’à Lisbonne. 4000km à vélo. Voila! C’est ça mon gars! Le réseau warmshowers l’a bien aidé. Il a rencontré tout un tas de personnes intéressantes. Quand on regarde la carte de la France, il y a une tonne de personnes inscrite sur warmshower.org, ça fait plaisir. On discute quelques heures comme ça, puis je suis crevé. Environ 130km au compteur aujourd’hui! Objectif atteint. Demain, il me conseille d’aller à Jajce, comme Mladen avant lui.

Damir! Homme admirable

Damir! Homme admirable

ce vendredi 15 avril, matin, nous partons ensemble, car il est libre aujourd’hui et a décidé de me montrer les 15 premiers kilomètres, juste avant l’entrée du canyon. Il fait grand beau, et nous longeons la rivière. Il m’explique sur un pont pédestre, que c’est la qu’il a appris à plonger étant gamin, comme pas mal d’autres. L’eau est vraiment très claire. Je ne pense pas pouvoir le faire, ca doit être haut d’environ 6 mètres. Il m’avoue qu’aujourd’hui il ne le referait peut etre pas. Mais je veux dire, même gamin je l’aurai pas fait. J’avoue. D’ailleurs, j’avais même peur de me lancer en skate dans la rampe du skatepark de pré leroy, une rampe dans les 2 mètres, alors plonger la tête la première de 6 mètres, j’appelle à la détente les gars, là, tranquille. On passe dans un très joli café avec plein de vieilles voitures, des motos, des motos side-car, des motos en tricyle (sans pédales et avec moteur quoi, ca serait un peu lourd sinon). Je trouve le van parfait. Assez petit mais bien assez grand pour dormir dedans et voyager!

J'aurai pu profiter de l'absence du propriétaire en prison pour voler ce magnifique eptit van mais je ne l'ai pas fait

J’aurai pu profiter de l’absence du propriétaire en prison pour voler ce magnifique petit van mais je ne l’ai pas fait

Le propriétaire est en prison m’explique damir. Un peu trop porté sur l’héroine. Si j’ai bien compris, lui même étant orthodoxe, il faisait du business avec un musulman et je sais plus qui d’autre de différente culture. Donc un bel exemple de mixité religieuse et culturelle, malheureusement mal valorisé par l’Etat.
Damir faisait de la descente en canoe, slalom et tout ça, étant plus jeune. Aujourd’hui le spot n’est plus le même, ce n’est plus aussi libre, et ils ont rajouté parfois des rochers à certains endroits, rendant la descente plus dangereuse. Après un petit verre, non alcoolisé, dans un club de kayak, je me remet en route, seul. Et entre dans la partie plus étroite, le canyon! Dans cette partie se trouve tout un parcours de kayak, avec des spots aussi pour pouvoir en faire la nuit Ca ne gache pas la beauté du lieu. De toute façon, vu le trafic, on est pas sur quelque chose de très sauvage la. Il n’y a qu’une route pour aller a Jajce, et c’est de la rouge (de la route fréquentée quoi). Ou alors il faudrait faire des détours à n’en plus finir pour rester sur de la blanche. Donc je met de côté ma répugnance à partager cette route avec des bipèdes fainéants et avance. Vraiment une très jolie route.

Nature!

Nature quand tu  nous tiens

Par contre on m’avait dit que c’était plat, mais apparemment la définition a changé entre temps parce que je me paye une côte, c’est pas une côtelette. Et à mon plus grand dam, j’ai perdu ce matin le seul truc à ne pas perdre sur un trépied d’appareil photo. Je connais même pas le nom de ce petit truc qui se visse sur l’appareil photo puis viens se bloquer dans la partie haute du trépied. J’avais tenu un mois avec!! Un mois de discipline, de rigueur, à laisser ce truc vissé à mon appareil photo. Puis je l’ai mis dans ma poche, puis je l’ai perdu. Bravo! Donc maintenant les selfies seront à haut risque car je ne pourrai plus visser mon appareil photo au trepied. Un selfie est toujours risqué diront certains, même en 2016. Certes, mais parfois plus, parfois moins. Bref, pour la faire courte, j’étais venere, mais je n’ai pas laissé cet incident gacher le magnifique paysage et la magnifique côte.

Elevage de déchets plastiques

Elevage de déchets plastiques

Jésus lui même! semble déplorer les choix architecturaux de cette église

Jésus lui même! semble déplorer les choix architecturaux de cette église

Jajce est une ville assez suprenante, avec sa cascade, ses remparts, ses sommets autours et le lac, pas loin ou je vais d’ailleurs chercher refuge. Un camping est sensé être situé la bas.

Jajce cascades ici!

Jajce cascades ici!

Le camping est fermé, mais la porte est ouverte, et j’avise 2 camping car allemands. Je me retrouve à parler avec eux. le camping n’ouvre que dans 2 jours, mais le proprio les laisse rester gratis. y a de l’eau, c’est froid mais sympa. Donc je plante ici, tranquillou.

Samedi 16 avril : au coeur de la Bosnie

Réveil toujours tranquillou vers 8h30. Je prépare mes affaires lorsque « Bartok » vient me demander si je veux du café. « bartok » est l’une des 2 femmes allemandes. Je ne pense pas que « Bartok » soit son vrai prénom, mais quand elle l’a prononcé j’ai entendu « Bartok » et lorsque j’ai répété « Bartok », elle a dit « Ja ». Trève de plaisanterie, on me propose un petit café, je dis oui! Avec du milch, et ensuite on me demande si j’ai faim…j’ai 4 carreaux de chocolats et 5 gateaux donc, j’hésite à jouer le mec ultra poli blablabla mais en fait, on me propose, je dis oui! J’ai grave la dalle, vu qu’hier j’ai sauté un repas. On sort donc le pain brioché, le paté, le fromage bavarois, le jus de pomme…je me charge comme il faut. Enfin, j’y vais tranquille tout de même, avec respect. Le 2e couple vient s’assoir avec nous. C’est vraiment sympa de parler allemand. Ils me complimentent d’ailleurs sur mon parler. De mon côté, je me surprends à faire des phrases presque complètes, et presque sans trop de fautes grammaticales. Et à comprendre presque tout ce qu’ils disent. le mot clef est ici…presque. Les 2 couples se connaissent depuis 20 ans et se sont rencontrés en vacances en Croatie. Ils ont le même camping car que je visite. Une vraie petite maison. 2 lits, 3 avec un peu d’aménagement, un frigo, douche, toilette, plaque de cuisson au gaz, chauffage, climatisation…que dire d’autre? un volant pour conduire, une pédale pour accélérer. Nan mais c’est plutot stylé à l’intérieur. C’est tellement confortable. A mille lieues de mon vélo et de mes affaires enfermées dans mes sacoches comme des passagères clandestines. Les allemands sont présents partout dans les balkans, et surtout sur la côte adriatique, qui est splendide. D’ailleurs, les gens vont parler plus facilement allemands qu’anglais ici. je suis content de mes 10 ans d’études. Oui, 10 années.
Je les quitte rassasié, et prêt à attaquer ma journée! Il est 10h30, j’espérais partir plus tôt, mais, encore une fois, je m’appelle Charles Thiolon, et mon surnom n’est pas « la flèche », ca se saurait. Je compte aujourd’hui tenter d’aller jusqu’a Sarajevo. Ca tape dans les 100 bornes…donc encore un gros défi mais j’ai vu un raccourci qui normalement me fait économiser au moins 30km…Ce raccourci est une route de couleur blanche sur ma carte. Donc peu empruntée. Parfait. J’attaque!

Nature! Quand tu nous tiens!

Nature! Quand tu nous tiens!

Ca commence bien, je suis dans une vallée magnifique et je longe une petite rivière. Ca monte tranquillement. Un homme m’explique, en allemand, comment continuer vers Travnik, la prochaine grosse ville. ca semble assez simple, je continue vers Kokici en franchissant la riviere puis vers Karaho…Il fait super beau, un ciel d’un bleu puissant, et des sapins de couleurs presque artificielle, la route se tranforme rapidement en chemin. La vitesse se réduit lorsque les cailloux augmentent. Mais c’est sans soucis, j’ai tout mon temps. J’ai un peu peur de tomber sur des chiens sauvages, ou des chiens de berger, assez rageux. C’est alors qu’arrive un troupeau de moutons. Aie, ils prennent peur devant moi, se mettent à reculer en bêlant comme des moutons. Je cherche des yeux les chiens. Je sors mon cable antivol au cas ou, car le troupeau est assez grand et je ne vois toujours pas le berger. Si jamais il n’est pas là, ca peut ne pas être sympa, car il ne pourra pas calmer les chiens. Mais au final il arrive, bon dernier. Il y a 3 chiens. Un bien gros, qui ressemble à mon gros titinours, une vraie tête à calin, et une machoire à broyer ta gorge. Le 2ème est tout petit et ne semble pas faire de mal à une mouche tandis que le 3e est entre les 2. Ce dernier se met d’ailleurs à aboyer et se prend une volée de coup de bâton du berger ce qui le calme! Tiens! Sale clébard! (j’imagine le dialogue, je ne cautionne évidemment pas la violence contre les animaux). Bref, les moutons finissent par passer, et ne reste que le 3e chien qui me regarde partir avec l’air de dire « dégage de mon troupeau, intrus ».
Je continue. Autour de moi, je vois nombre de maisons en ruines. Parfois très vieilles, parfois moins vieilles mais dont il ne reste que les murs porteurs. Je pense qu’il pourrait s’agir de restes de la guerre. Les balkans sont les rois des maisons non finies, ou abandonnées avant d’être finies, mais la, il n’y a personne qui habite autour.

Construction ou destruction locale

Construction ou destruction locale

Je tombe sur une intersection. Tout droit, ca continue légèrement en montée dans la vallée. A droite, les traces sont un peu plus nettes, mais ca grimpe. Mon intuition me dit de prendre à droite, et j’y vais. 30mn de montée plus tard, je commence à douter de cette intuition magique. C’est alors que je vois des maisons! Un village à tendance musulmane me dis-je en voyant une femme voilée, c’est que je suis fin observateur. Je l’interpelle, et sans dire un mot, elle va chercher son mari. Celui ci, très sympathique me dit que je suis à Kokici! Qu’elle n’est pas ma joie! Et moi qui me croyait perdu, me voila sauvé. Bref, je continue encore une heure ou 2 à grimper, à descendre, à regrimper, sur du chemin, à 6km/h. Autant dire que j’ai oublié Sarajevo. Profitons de l’instant présent me dis-je. Sur ma droite, un panneau rouge: Attention, mines. J’avais presqu’oublié les recommandations de l’ambassade francaise, ne pas s’éloigner des sentiers, parce qu’entre autres loups, serpents et ours, il y a les mines…damn. Ca fait bizarre de voir ca. quelques centaines de mètres plus loi, j’ai tout à coup un panorama extraordinaire qui s’offre à moi. Il est 16h et Travnik est la bas, tout en bas au loin. Travnik, je le rappelle, c’était une 30aines de bornes, et je m’étais dit que j’y serais vers midi, easy. M’enfin.
Devant tant de beauté, je prends un moment.

Devant tant de beauté, comment rester de marbre?

Devant tant de beauté, comment rester de marbre?

Puis je file, enfin, « filer! ». Impossible, même en descente de « filer ». Je vais exploser mes pneus ou m’exploser moi même vu la pente et la qualité du chemin! Du coup je prends mon mal en patience et j’y vais tranquillement. J’ai envie d’un bon Cevapi, une des spécialités locales. Un gros sandwich, avec plein de saucisses à l’intérieur, accompagné de fromage nommé kajmak, style cream cheese. Cette idée me donne des ailes.
J’arrive finalement à Travnik vers 17h30 avec 55km au compteur, autant dire, rien du tout avec ces 5 heures passées à pédaler. Mais à vrai dire c’est une des plus belles journées de mon voyage que je viens de passer. De la nature, quelques rencontres, du soleil, de l’effort, et une belle récompense avec ce Cevapi bien chargé que je me met, dans le restaurant d’un supermarché.
Je file ensuite en direction du sud le ventre plein. Je ne sais pas trop ou je vais mais j’ai envie d’avancer un peu plus. Ca descend, et la pour le coup, en pédalant je suis à 35km/h, et c’est assez bon! Au final me voila dans un petit camping, en bord de route, derrière un restaurant. Tout seul sur le terrain. Le gars parle allemand bien entendu. Je prends une petite bière au restau. Un groupe de personnes, maris et femmes, ados, enfants, sont là et semblent fêter quelque évènement, car ils sont sur leur 31. Après manger, il mettent de la musique locale, et chantent, et dansent en même temps. C’est vraiment sympa à voir.
Allez, mon réchaud et mon riz, sauce tomate, thon m’attendent! 67 km aujourd’hui.
Dovidenja! Au revoir!

Lonely Camping Vol 2

Lonely Camping Vol 2

On m’avait demandé de partir à 8h30, pour une raison que j’ignorais. Mais cela servait mon intention d’arriver tôt à Sarajevo aujourd’hui. Il doit y avoir dans les 70km. Je quitte donc cet « autokamp », comprendre camping pour allemands, et m’en vais prendre un café et un solide petit dejeuner dans un etablissement peu eloigné. Je ne sais pas si vous avez reconnu le style de Jules Vernes dans cette phrase? Peut être pas. En fait j’ai pu télécharger un paquet de ses livres sur ma liseuse electronique et il a vraiment un style bien à lui le gars. Bref, le petit déjeuner avalé je file vers Sarajevo.

A VENDRE: Maison à fort potentiel, banlieue chic de Sarajevo (40km). Avancement remarquable, admirez les fenetres posées au rez de chaussée et au 3e étage. Une habitation unique à saisir!

A VENDRE: Maison à fort potentiel, banlieue chic de Sarajevo (40km). Avancement remarquable, admirez les fenetres posées au rez de chaussée et au 3e étage. Une habitation unique à saisir!

A VENDRE: Très beaux volumes, possibilités multiples d'évolution. Un état d'avancement extrêmement correct au vu de la région. Pour famille avec de l'ambition et de la patience. Fondations plus ou moins robustes. Du caractère ! Affaire à saisir!

A VENDRE: Très beaux volumes, possibilités multiples d’évolution. Un état d’avancement extrêmement correct au vu de la région. Pour famille avec de l’ambition et de la patience. Fondations plus ou moins robustes. Du caractère ! Affaire à saisir!

Route plutôt agréable, j’arrive à avoir des moments avec une fréquentation faible, il m’en faut moins pour être heureux. Comme souvent je profite de ce moment de route pour composer quelques morceaux dans ma tête qui, s’ils étaient produits, deviendraient de vrais tubes j’en suis convaincu. Malheureusement ils ne resteront qu’une vapeur de génie vite évaporée dans des pensées trop complexes.
J’arrive rapidement à Sarajevo. C’est la première fois que j’arrive quelque part aussi tôt! Enfin façon de parler, car j’arrive toujours quelque part tôt, et d’autres parts tard. Mais là, j’ai l’après midi devant moi. J’avais demandé sur warmshowers si quelqu’un pouvait m’heberger. Cat, une américaine, a ouvert une auberge de jeunesse il y a peu. Elle explique sur le site que comme ca marche plutot bien, elle offre une nuit gratuite aux cyclistes qui passent. C’est plutôt cool. Elle a accepté ma demande rapidement donc pour le logement c’est reglé. Je m’avance dans Sarajevo, qui est une ville qui s’étire en longueur, bordée à ses extrémités nord, est et sud par des montagnes, dans les 600 mètres.

magnifique batiment à raser. Ancienne maison de retraite apparemment.

magnifique batiment à raser. Ancienne maison de retraite apparemment.

Un homme se propose de m’aider. Il parle un peu français. Il est en fait danois et travaille pour l’Union européenne. Il fait des études sur la Bosnie, des rapports j’imagine sur la situation locale. J’avais compris que la Bosnie avait repoussé un peu les avances de l’Union européenne concernant son adhésion. Mais je m’aperçoit en lisant quelques documents sur internet que ce n’est apparemment pas le cas, car en début d’année, la candidature pour devenir membre a été officialisée. Le pays était candidat potentiel depuis 13 ans. Les citoyens Bosniaques ont depuis 2010 la possibilité de rejoindre l’espace shengen sans visa. Mais Damir me disait que beaucoup n’étaient pas favorables à cette entrée dans l’UE, avec la peur de se voir trop imposer de règles par l’UE. A vrai dire, pour le commissaire européen à l’élargissement, c’est « le début d’un long voyage ». Cette jolie métaphore politicienne ne manquera pas de nous amuser, certes, mais également de comprendre que la Bosnie n’est pas prête de rentrer dans l’UE.
Mon nouvel ami me guide jusqu’au centre, j’oubliais de préciser qu’il était à vélo lui aussi, et là, alors que nous nous arrêtons quelques instants pour regarder la carte, j’aperçois du coin de l’oeil un couple au profil de voyageur. Alors que je laisse trainer mon oeil de leur côté, ils viennent me demander, dans un très bon français, si je ne chercherai pas, par hasard, l’auberge de Cat, la Doctor’s house. A vrai dire leur français est même excellent, car ils sont français. Et, comble de surprise, ils voyagent à vélo également! Ils me proposent de me montrer le lieu, mais mon guide nous fait comprendre que c’est inutile, et qu’il a la situation bien en main. Nous n’insistons pas et nous donnons rendez-vous un peu plus tard à l’auberge. A vrai dire, en voyant la côté qui mène à l’auberge, mon guide annonce que je suis maintenant sur la bonne route, et qu’il peut rentrer chez lui tranquillement, sans , evidemment, affronter cette brutale montée. J’oubliais de préciser que le gars a bien au moins 65 ans…je lui fais donc grâce de mon sourire amusé et je le remercie. Il était vraiment charmant, à m’indiquer des bons endroits où manger, m’expliquer les batiments qu’on a rencontré. C’est donc une belle introduction dans Sarajevo. Je grimpe la haut, sur la colline, et arrive à cette fameuse auberge, très jolie, et qui doit sa magnifique vue sur Sarajevo à sa fameuse montée. Nous sommes à même pas 10mn à pied du centre. Je me permet de décrire rapidement le lieu, qui selon moi, est l’un des mieux organisé que j’ai pu voir. La propriétaire, je l’avais signalé, est américain, mais au vu des explications, de l’organisation du lieu, des chambres, des parties communes, elle pourrait tout aussi bien avoir été d’ascendance suédoise. D’ailleurs elle est chatain clair. Un signe? Il nous est permis de douter. Il y a des petits mot scotchés un peu partout qui répondent à vos questions alors que vous n’aviez même pas eu le temps d’y penser. C’est simple, efficace et très cosy! Les lits ont des rideaux qui permettent de les transformer en mini chambres, avec leur lampe et leur prises electriques qui, généralement, manquent dans les auberges de jeunesse. Bref, ca fait plaisir et on se sent bien ici. Je me prépare à manger, puis douche et le couple de francais rencontré plus tôt revient de sa ballade. On discute de nos itinéraires, de ce qu’on a fait jusqu’a présent. Puis, à un moment, lorsque je leur demande leur nom, Pierre et Lucie, je comprends que c’est comme « les mous du genou », couple qui a effectué France-Mongolie à vélo, et dont j’ai pu voir le film avec Raph au festival des voyageurs à vélo en janvier. Et d’ailleurs, c’est marrant, je me souviens d’un couple qui était assis à côté de nous. Et je me souviens avoir eu la pensée, rapide, qu’ils avaient l’air vraiment interessé par ce film. Comme si ils auraient voulu faire quelque chose de semblable eux aussi…Mais en fait, après avoir recoupé nos versions, on se rend compte qu’effectivement, nous étions bien assis à côté! Leur histoire est marrante, parce qu’ils portent le même nom que cet autre couple qui présentait le film, je répète, Lucie et Pierre, et ils planifiaient le même itinéraire! Ils se sont rencontrés et ont pu profiter d’un peu d’expérience de leur…euh âmes soeurs? Et nous voila, de nouveau à côté, par le hasard du destin, à Sarajevo. ca se fête, donc on va prendre des bières. Posés au centre, juste à côté de la rivière Miljacka qui traverse Sarajevo d’est en ouest, nous discutons voyage. C’est vraiment sympa! Ca fait du bien aussi de partager nos expériences, les petits trucs du quotidien, les belles rencontres, les galères…Pierre s’est foulé la cheville en Italie, apres quelques semaines seulement de voyage! la rage! C’est un coup dur parce que pour eux comme pour moi, l’une de nos plus grandes peurs est se faire mal et de ne pas pouvoir continuer le voyage. Puis c’est l’heure de manger. Je me trouve une petite boulangerie et c’est un goinfrage organisé. Du burek! Une pate feuilletée en forme de serpent enroulé avec du fromage et de l’épinard à l’intérieur. C’est bon, c’est gras, ca coute 1€, j’en prend donc trop. Ca me fera le petit dej! je retrouve le couple à l’auberge, on discute un peu plus. On ne discute jamais assez à mon avis. Et la nuit arrive.
Ils s’en vont ce matin Lucie et Pierre, alors on se dit au revoir, mais on se promet de se revoir, ce ne sont pas des adieux. On va en effet dans la même direction. Et on a vraiment accroché tous les 3, alors autant tenter t’entend?
Je vais à un free walking tour ce matin. La traduction est simple : libre marchant tour. Bref, on ne paye que si on a apprécié le guide, qui est très sympa et qui explique très bien. Pendant presque 3 heures nous déambulons dans le vieux centre de Sarajevo. il nous parle de la guerre, comment il a vécu des dizaines de mois sous la menace quotidienne des obus serbes pleuvant sur la ville. La moyenne était d’environ 300 obus par jour. Il n’allait plus à l’école, mais une institutrice venait chaque jour dans la cave de leur immeuble leur faire cours. Ils habitaient dans cette cave d’ailleurs, les appartemment dans les étages étaient trop risqués. Il nous raconte que sa mère allait toujours au travail, et qu’elle s’habillait toujours très bien, comme ça, selon elle, un journaliste pourrait la prendre en photo et elle deviendrait connue! il y a des impacts d’obus partout, la bibliotheque a brulé pendant le siège, le parlement…Environ 5000 morts civils sont recensés. Mais il nous parle aussi de l’occupation ottomane, de la brasserie locale, de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand par Gavrilo Princip. Une histoire haletante, où plusieurs hommes sont impliqués. Le premier rate son lacer de grenade dans la voiture de l’archiduc, provoquant une grande panique et blessant une personne dans la foule. François-ferdinant choisit d’annuler son repas à l’hotel de ville, et d’aller visiter la personne blessée à l’hopital. Il n’avait clairement pas en tête les recommandations de l’état français lors d’une attaque terroriste qui s’articulent autour du triptyque : s’échapper, se cacher, alerter. Mais ces recommandations paraitront plus de 100 ans plus tard! Comment lui en vouloir!
bref, toujours est-il qu’il courait vers sa perte, et que Gavrilo Princip, qui trainait toujours dans le coin avec son gun dans la veste, a eu la surprise de voir l’archiduc débarquer en face de lui. Le conducteur s’était planté! Il fallait aller tout droit au lieu de tourner à droite. Le temps de faire demi-tour…pas le temps de faire demi tour, Bra! Bra! (pan! pan! en version moderne) voila le couple assassiné et en avant le grand jeu des alliances! Nous pouvons apercevoir l’immeuble élu comme étant le plus moche de Sarajevo, et dont les appartements (info à vérifier) couteraient encore plus cher que ceux d’en face, pourtant des vieux immeubles, en belle pierre. La raison en serait qu’ils ne voient justement pas cet immeuble en question puisqu’ils sont dedans…alors que les vieux immeubles d’en face ont une vue directe sur ce laideron…haha j’en ris! je discute avec Pri de Londres et Dasha de Moscou. Un gars et une fille très sympas. On mange ensemble après la visite et on se donne rendez-vous le soir pour aller prendre une biere à la source, dans cette brasserie locale. il fait bon et doux à Sarajevo. J’aime cette ville. Elle a vraiment du caractère. Peut-être est-ce aussi à cause de son histoire récente, de la guerre. Elle est clairement marquée. C’était il y a 24 ans. Alors toutes les personnes au dessus de 24 ans l’ont vécu, plus ou moins intensément, ont perdu de la famille, ou non. Mais la ville porte les stigmates de la guerre. Et le guide nous explique que beaucoup de touristes sont particulièrement intéressés par cette guerre, par le siège. une fascination pour la violence. C’est bien humain ça, mais j’avoue que pour des jeunes comme nous par exemple, français, qui n’ont pas vécu la guerre, ici elle s’affiche sur les murs et sur les batiments détruits, elle est visible. Peut-être un peu comme ceux qui dans le nord, en picardie ou ailleurs, découvre des restes de la guerre 14-18 dans leur jardin…Mais Sarajevo bien sûr c’est beaucoup plus que ça. Il y a cette mixité de religions, encore une fois mise à mal avec la guerre mais qui n’a pas disparue. il y a ces montagnes qui entourent la ville, cette nature à portée de main. C’est la bosnie quoi. C’est un magnifique pays. Je rentre à l’auberge de jeunesse. Je dois planifier la suite de mon itinéraire. J’hésite. Mostar? Ville très touristique du sud ouest, ou Tjentiste? Parc national au sud, avec sa foret primaire, qui a plus de 1000 ans, intacte (de ce qu’on en dit tout du moins) ses montagnes, notamment la plus haute de bosnie…Un endroit où l’on peut trouver des loups, des ours, et je ne sais quoi encore. Mon hésitation ne fait pas long feu, et je choisis de partir vers Tjentiste. Une petite lessive plus tard, et avec un bon petit quart d’heure de retard, je retrouve Dasha à la brasserie. Pri sera lui encore plus en retard, aux prises avec un tinder prenant.
Tinder, application phénomène permettant de créer des « match », c’est à dire de voir si tu corresponds avec une autre personne. Le principe est diablement simple. On se géolocalise, puis on fait défiler des profils, donc les photos de personnes qui sont autours de nous, dans un périmètre défini, avec un age que l’on peut définir aussi. Lorsque la personne nous plait, on fait glisser notre doigt vers…euh la droite ou l’inverse, et si les photos ne nous plaisent pas, en gros qu’on trouve que la fille/gars est moche, alors on glisse notre doigt dans l’autre sens. Il est possible de voir des centaines et de centaines de photos de gens comme ça, en très peu de temps. T’es moche! à gauche. T’es b…elle! à droite. droite droite droite, gauche gauche, droite gauche droite droite. Et ensuite, si la personne qu’on a « apprécié » nous « apprécie » en retour, alors BOUM! On a une love story. Nan en fait on peut simplement commencer à discuter sur le chat, et perdre des heures et des heures de sa vie à dire tout et rien. les rageux diront que j’ai pas essayé alors jpeux pas parler t’as vu. Mais c’était juste pour présenter le truc. Ca cartonne cette appli. Un peu comme au début de facebook en bien plus addictif et travaillé. Bref c’était la parenthèse pour les personnes qui ne connaitraient pas l’appli…mes parents peut être! Ou mes grands parents!

Dasha, Pri and I

Dasha, Pri and I

Mes compagnons de ce soir sont vraiment sympa. On discute un peu de voyage, de la russie. Pri a fait la descente de l’europe de Londres au sud de l’Espagne en stop. Une belle expérience avec ses surprises, ses peurs, son expérience. Puis on enchaine sur une discussion touchant aux biais dont l’esprit de l’Homme est doté. Je m’explique. Daniel Kahneman a sorti un livre appelé, en anglais « Thinking, fast and slow » dans lequel il explique les biais cognitifs que l’humain peut avoir. Nous ne sommes pas aussi rationnel que nous le pensons. Nous ne prenons pas toujours des décisions rationnelles comme nous l’imaginons. C’est bien entendu beaucoup plus complexe, et je n’ai, jusqu’à aujourd’hui, qu’une petite partie de ce livre offert par ma douce. Mais cela rejoint par exemple le neuro marketing, qui étudie, mesure, décrit toutes les réactions des consommateurs dans le but de faire avancer la science. Nan je déconne, dans le but de faire plus de blé et de vendre des choses plus facilement. En exploitant les biais naturels des humains, il devient facile de faire plein de trucs. Je pense, entre autres, aux écrans dans le métro, qui attirent le regards sans liberté de choisir. Le mouvement, naturellement, attire notre regard. Je pense à la musique dans les magasins, aux parfums…C’est terrible d’imaginer le potentiel d’utilisation de cette vaste étendue d’irrationnel chez l’Homme. Ca remet en question notre notion de liberté je trouve. Il y a surement d’autres façon de voir les choses mais pour moi, je suis libre car je fais mes choix de manière rationnelle. Et lorsque cette rationalité ne l’est plus, ou du moins en partie, et bien je deviens un instrument des émotions, des stimulis, de l’environnement présent. bref, on discute bien et puis je rentre manger.
Ce soir c’est skype avec mademoiselle! Pas toujours évident la relation à distance. Et puis l’hyer communication non plus, ce n’est pas évident. On en viendrait à croire qu’il suffit d’un rien pour qu’on puisse être l’un à côté de l’autre. Mais ce n’est pas le cas. On décide alors de communiquer moins mais mieux. Un bon skype 1 fois par semaine, avec plein d’histoires à se raconter, c’est cool.
Je traine un peu pour partir. Encore une fois, pas si facile, dans un lieu si accueillant, si simple à vivre. Et puis je me lance dans l’inconnu. La sortie de Sarajevo est simplement atroce!! Une route à poids lourds parsemée de tunnels dans lesquels les voies se resserent extrêmement, avec tout juste un trottoir ou je peux me glisser et faire rouler le vélo à côté de moi. Et surtout, pas de lumière! Je sors d’un tunnel de plus de 600 mètres, les jambes flageollantes, la peur au ventre. Je donne tout ce que j’ai à chaque tunnel pour en sortir le plus rapidement mais ça fait peur. Quand on rajoute le vacarme ahurissant des moteurs prisonnier de ces lourdes parois bétonnées…

Photo souvenir du tunnel de la mort

Photo souvenir du tunnel de la mort

Pas mécontent de retrouver une route plus calme, qui bifurque vers le sud-est. Il ne fait pas beau, le ciel est couvert, et la température assez fraiche. Mais c’est bon pour un cycliste ça. Je passe à côté d’un parking pour véhicule militaires. Des tas de camions, et autres engins attendent de remettre ça en rouillant. Ils ont pas compris que pour eux c’était fini, et ils semblent attendre, patiemment, la prochaine guerre. Ca fait bizarre de voir ça. Je me demande toujours, en voyant des épaves, ou des engins en fin de course, pourquoi est-ce que ce n’est pas détruit et recyclé. Je suis allé faire un tour sur google et en gros, ce que vous savez peut-être déjà, mais y des parties qui se recyclent et d’autres non. Quand on se sert de google avant son cerveau, voila ce qui arrive. Un éclair de génie. Liquides, batteries, ferraille…je suis pas rentré dans les détails mais j’imagine que le cout du recyclage dans ces pays serait disproportionné par rapport au cout de stockage dans un coin…et que les lois en place n’obligent pas comme dans l’union européenne à faire recycler ces épaves. C’est juste le recyclage de manière général que je trouve frustrant. Frustré de ne pas en savoir assez, et frustré de voir tellement de choses jetées partout, d’objets utilisés 1 an, et partis à la poubelle. C’est frustrant parce qu’il est difficile de lutter contre ça, lorsque le prix du neuf est à peine plus élevé que le coût de la réparation d’un objet electronique par exemple, parfois même moins élevé! Un jour, mes amis, nous reviendrons à ces valeurs là. Qui faisaient que nos grands parents protégeaient leurs habits pour ne pas avoir à en acheter d’autres, qui faisaient qu’on achetait des choses peut être plus chères mais plus durables.

La guerre de la rouille

La guerre de la rouille

Bref. Donc j’arrive devant 2 tunnels. Celui de gauche, neuf, éclairé, long d’un kilomètre, mais il n’y a pas beaucoup de trafic, ca m’a l’air tranquille. Et celui de droite. Le vieux. Pas de lumière, pas de distance annoncée. des tas de journeaux qui volent dans tous les sens. Des déchets. Un tunnel à la « Walking Dead », série américaine de zombies, dans un monde, attention surprise, dévasté. Mon esprit, aventureux, courageux, me dit de foncer dans ce tunnel noir. Tout le reste, coeur, raison, corps, jambes, âme m’interdisent d’y aller et me font imaginer des monstres, de la folie, en gros, des situations que je n’ai pas envie de rencontrer. Je m’avance à pied dans le tunnel avec ma lampe frontale. C’est vraiment le tunnel de l’horreur. Je fais demi tour en maudissant ma couardise, mais en bénissant ma raison d’esprit. Je me demande bien qui aurait pu s’engager volontairement dans un trou noir comme celui-là. Si je ne l’ai pas fait, il y a fort à parier que personne ne pourrait le faire…n’est-ce pas?

Et vous, vous auriez tenté?

Et vous, vous auriez tenté?

Le ciel se couvre toujours un peu plus. Je me retrouve à grimper fortement lorsque la pluie commence à tomber. Malheur! Je sens que ca pourrait tourner à l’orage. Peut-être parce que ça gronde de temps en temps…bien vu l’ami. Je grimpe à toute vitesse, mais je n’arrive toujours pas au sommet! Alors je continue à pousser 2x plus fort. La côte la plus rapide jamais effectué jusqu’ici! je finis par me retrouver dans un hameau qui surplombe la vallée. Il n’y a que quelques maisons parsemées. Une femme est à la porte de la plus proche et me salue. Il pleut beaucoup. Je la salue en retour et tente d’engager la conversation. Elle va chercher son mari. L’homme parle allemand! Voila qui fait mon affaire. Je lui explique que je serais son obligé si seulement je pouvais monter ma tente dans leur jardin, parce que là y a de l’orage. Tout cela sans connaitre la traduction du mot obligé et orage en allemand. Il me fait rentrer mon vélo sous un petit abri,puis je suis invité à les rejoindre dans leur maison. Ils s’appellent Emina et Mouyo, si j’ai bien compris. Des retraités, ils doivent avoir dans les 70 ans. On discute en allemand avec Mouyo, et à l’occasion il traduit pour sa femme. Parfois c’est elle qui me parle en bosniaque et il traduit pour moi. Ils ont 3 fils, qui habitent Sarajevo.
Mais avant tout, on se met à table! Emina a fait un énorme burek, fromage épinard, qui est simplement délicieux! Bien chaud, et accompagné d’une petite salade d’oignons du jardin. des petits oignons, eux aussi délicieux! Le mot est faible. Donc je me retrouve comme ça, attablé avec eux, dans leur petit salon/cuisine à manger, à boire du thé. Ils insistent pour que je continue à manger le burek même quand eux ont finit. Je ne me le fais pas dire 2 fois, et je continue à me bourrer de burek. Mais même avec toute ma bonne volonté, impossible de finir. Je les supplie donc de me laisser ne pas finir le burek, proposition acceptée. Viens ensuite le dessert! Hé ouai, servi avec son petit thé, divin, doux, cosy. C’est un peu comme un baklava, seul nom de patisserie orientale que je connais. De la pate, avec plein de sucre, et du miel. Donc encore plus de sucre. Excellent! Je suis le seul à en manger d’ailleurs. Je les soupçonne de faire attention au sucre. Un jour, moi aussi, peut être, enfin, on verra bien. Là, on aurait pu croire qu’après ce dessert et les 2 tasses de thé, on allait en rester là. Que nenni! Viennent ensuite les pommes! Des petites pommes du jardin que Mouyo fièrement m’explique avoir conservé 6 mois dans la cave. Pour un lecteur, ça n’est pas très tentant. Mais les pommes sont encore trèqs bonnes effectivement. Pas pourries pour 1 mark convertible, la monnaire du pays. Et voilà que c’est Emina qui me pèle mes pommes. Je me retrouve rapidement avec 3 pommes pelées dans mon assiettes. Et elle ne semble pas vouloir en rester là. Heureusement, l’heure de la prière me permet de souffler un peu entre 2 bouchées. Mes hôtes sont en effet musulmans, ce qu’on aurait pu deviner aux assiettes peintes accrochées dans le salon, qui montrent des grandes mosquées. Un des rares objets de décoration, avec le calendrier des pompiers. Seule Emina fait la prière. Ce sont des musulmans de Bosnie, me disent-ils. C’est différent des autres, plusieurs personnes me l’ont dit avant. Plus relax niveau religion peut être. J’ai a peine terminé mon assiette, qu’Emina réapparait, et se remet à me couper des pommes. J’ai du en manger au moins 5, et en avant pour la 6e et la 7e. Mais c’est la révolte et mon estomac me lance un ultimatum alors je demande officiellement à ce que ce soit la dernière.
Nous discutons de plein de choses. Mouyo, ayant travaillé 10 ans comme maçon en allemagne, touche sa retraite de la bas. 1000€ par mois si j’ai bien compris, ce qui ici est très confortable. 1 seul de ses fils gagne plus que lui. Il est inspecteur de police, et il se déplace dans toute l’europe. Pour ça, il touche 1500€. Et ses 2 autres fils, conducteur de bus à Sarajevo gagnent 550€ par mois…On est pas dans des sommes mirobolantes comme on aurait pu s’en douter. Ils ont acheté cette maison il y a longtemps, 40 ans peut être, et viennent ici se reposer du bruit de Sarajevo. Il habitent toujours officiellement la bas, mais préfèrent cette maison de campagne pour vivre, cultiver leurs potager, leurs pommes de terre, couper du bois dans la forêt, boire l’eau de la source qui arrive de la haut…#oklm quoi! Ils me racontent un peu la guerre à Sarajevo. Leur maison de Sarajevo a été détruite, et ca leur a couté 50000€ pour reconstruire…La guerre a un cout humain, mais aussi économique. Quand on met tout notre argent à réparer, ça repousse à plus loin le moment où on investis son argent dans d’autres choses que des nécessités. la maison voisine de la leur dans ce village a été détruite en partie par des grenades. c’était la seule épicerie du coin, depuis c’est tombé en ruine. Leur maison de campagne également a reçu des obus de tank. Le toit a été détruit, reconstruit et redétruit, et reconstruit. Ils me montrent des photos de leurs petits enfants, et moi de ma famille. Puis c’est l’heure de se coucher. Ils se couchent tôt, vers 9h. Alors j’en profite. Et à vrai dire je suis fatigué aussi par cette journée.

Encore un accueil extraordinaire

Encore un accueil extraordinaire

Il me font dormir dans une des chambres. Pas de tente ce soir! Quel accueil encore une fois. C’est excellent, j’ai passé une super soirée.
Le réveil est matinal, comme mes hôtes. Ca me permet de rouler de bon matin, et c’est toujours un bon sentiment à vélo les départs matinaux. Je compte aujourd’hui atteindre Tjentiste, et son parc national. Un bon bout de route, de la grosse descente et grosse montée, avec un bout de plat entre les 2. Les paysags sont splendides.

Je tente l'originalité

Je tente l’originalité

Je dois grimper une bonne dernière demi heure avant d’être réellement au sommet et attaquer une descente infinie jusqu’à Gorazde. La crète a parfois des airs de Provence sous ce soleil chantant. Les vaches ne se soucient guère d’un pauvre cycliste comme moi, et marchent sur la route, où bon leur semble. Je passe encore à côté de terrains minés, à côté d’un mémorial de la guerre avec un tank, des mitrailleuse de tout calibre exposées. Je vérifie quand même que le canon de ces engins est bien bouché…c’est le cas.

Mine Mine Mine Mine Mine Mine Mine Mine BOUM

Mine Mine Mine Mine Mine Mine Mine Mine BOUM

je compte prendre un café et mon petit dej à Gorazde. Cette perspective me réjouit. J’ai fait 40km, et c’est sympa de s’assoir, regarder un peu les gens, tout en se goinfrant. Mon choix d’établissement n’est malheureusement pas très heureux, et dans les 3 ou 4 habitués qui trainent là, l’un d’enter eux commence à m’apostropher. Le barman ajoute, en riant, : « Careful, he is gay! ». Ok, bon, pourquoi pas. M’enfin le dude ne veut pas me laisser seul, alors que je décline l’invitation à le rejoindre à sa table, préférant l’exil sur la terrasse. Il prend sa bière et vient s’assoir a côté de moi. Bon…ça va être moins tranquille que je ne le pensais. Surtout que notre ami (je vous inclus pour me sentir moins seul), a tout une série de tics faciaux, et qu’il peut être un peu oppressant. Au final c’est probable que le barman ne riait pas tant que ça, car je me vois qualifié de « beautiful man » un bon paquet de fois. Il a un peu de mal à retenir ses reflexions intimes, et je comprends qu’il aime faire des choses aux femmes de toutes les couleurs. Je suis un mec cool, je prends sur moi et j’ai compris de toute façon que je n’aurai pas ce fameux petit-déjeuner en paix. Il m’explique qu’il a été dans l’armée pendant la guerre. Alors j’imagine que c’était l’armée serbe, parce qu’ici on est en république serbe de Bosnie. Mais il me dit qu’il aime tout le monde : « I like everybody, I like everybody » « Oh yes, you are a beautiful man, beautiful man ». Sa mère et ses soeurs sont mortes pendant la guerre. Aujourd’hui il touche une pension de l’armée, dans les 300€ par mois. Et je doute qu’il fasse quelque chose de particulier avec sa vie. Il m’a l’air pas mal névrosé. Guerre, condition médicale…? Je ne le saurai jamais parce qu’après avoir fini mon paquet de gateau avec ma grosse plaquette de chocolat, je me trace! Non pas que je suis associable, mais y a des moments comme ça…t’as envie de dire « non, non, non mec! »
Je prends un petit chemin, car la route est trop passante à mon gout. Ce petit chemin est lent néanmoins. Difficile de rouler à plus de 15kmh au milieu de cailloux, de terre. Je rencontre un berger avec son fils. Il a vécu plusieurs année en Australie. C’est marrant, je rencontre un paquet de gens qui sont allés vivre ailleurs pendant un temps. Je ne lui demande pas pourquoi il est revenu. La discussion n’est pas très longue, mais il est très symathique. Il me conseille de passer la riviere au prochain pont pour rejoindre la route, sinon je risque d’être bloqué. A vrai dire je pense qu’il y a toujours un chemin mais j’ai envie d’aller un peu plus vite. Finalement la route n’est pas si mal. Pas grand monde et j’arrive dans une petite ville pour le déjeuner, Foca. Je trouve un petit restau bar très sympathique, fréquenté par la jeunesse du coin. J’ai l’impression que tous les regards se tournent vers moi quand j’entre. N’ont-ils pas l’habitude de voir un cycliste comme ça?
C’est pas cher, comme toujours, même si la taille de l’assiette laisse à désirer, heureusement que le pain est là. Au moment de partir, il reste quelques personnes dans le bar, dont les serveurs et barman, et ils veulent prendre une photo . L’un deux me demande si j’aime bien la Serbie. Je lui explique j’aime beaucoup la Bosnie Herzégovine en effet. Que répondre d’autre? Ils veulent que je fasse un geste spécifique sur la photo, mais je ne connais pas ce geste, donc je préfère m’abstenir! Pour peu que ce soit un geste d’indépendance local…ce n’est pas mon truc et je n’ai surtout pas envie de rentrer dans des discussion de cet ordre là.
Je continue ma route jusqu’à tjentiste. Ca monte et c’est difficile. Mais la vue vaut ensuite le coup comme toujours…

Je suis assez loin la, ca devrait etre bon

Je suis assez loin la, ca devrait etre bon

Je m’arrête dans le camping/hotel. Je suis tout seul, c’est fermé comme d’hab. L’hotel est ouvert lui. Petite soupe avec bière. Wifi. Des jeunes de 10/12 ans sont la avec leur classe, et ce soir c’est une sorte de carnaval. Ca crie dans tous les sens. Heureusement il est temps pour moi d’aller me faire à manger et je repars vers le camping. La lune éclaire les sommets autour. Le coin est splendide, y a pas à dire. Le gars de la reception me dit qu’il y a de la neige encore donc plus ou moins impossible de faire des randos…voila bien mon affaire, moi qui voulait rester 1 jour ici rien que pour ça. Je décide de me renseigner le lendemain. Une décision pleine de bon sens, puisqu’il est 23h…

Lonely Camping Vol3

Lonely Camping Vol3

 

A bientot les amis!

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